Les pancartes électorales marquent chaque campagne et suscitent autant d’intérêt que de débats. Outil de notoriété, elles cohabitent aujourd’hui avec le numérique. Sont-elles toujours efficaces ? À l’occasion du lancement officiel de la campagne électorale, j’en ai discuté avec Guillaume Dumas dans « C’est encore mieux l’après-midi » sur ICI Radio-Canada Première. Nous avons analysé leur rôle, leur évolution et leur pertinence en 2025.
Une tradition ancienne toujours d’actualité
Les premières traces au Bas-Canada
L’origine des pancartes électorales reste incertaine, mais elles existaient déjà lors de la première élection législative du Bas-Canada en 1792. À l’époque, les rues se couvraient d’affiches politiques. L’une des plus marquantes, « À tous les électeurs », fut conçue par le graveur John George Hochstetter. Inspirée des caricatures britanniques, elle est aujourd’hui considérée comme la première bande dessinée politique en français.

La réglementation des pancartes électorales variable selon les régions
Au Québec, des règles strictes encadrent les pancartes électorales. Elles sont interdites dans certains lieux patrimoniaux, comme l’avenue Royale, le Vieux-Québec et l’île d’Orléans. Elles ne peuvent pas être fixées aux arbres ou aux feux de circulation. Ailleurs au Canada, les réglementations varient selon les provinces et les municipalités. Certaines villes autorisent des structures autoportantes en bois, tandis que d’autres limitent l’affichage aux terrains privés, comme aux États-Unis. En France, l’affichage électoral est rigoureusement encadré. Chaque candidat dispose d’un espace égal et de dimensions réglementées.

Les pancartes électorales, un outil de campagne encore efficace
Une visibilité directe et accessible
Malgré la montée du numérique, les pancartes électorales restent un moyen de communication immédiat et accessible. Elles atteignent tous les électeurs sans être filtrées par les algorithmes, offrant une visibilité constante dans l’espace public. Leur présence physique rappelle l’imminence du scrutin et renforce la notoriété des candidats.
Un coût abordable pour une large diffusion
Avec un coût de 5 à 10 dollars par affiche, elles offrent une solution rentable pour les partis politiques. En 2019, le Bloc Québécois en a installé environ 35 000. Les Libéraux du Québec en ont utilisé 20 000, un nombre inférieur aux élections précédentes en raison d’une impression recto verso. Cette réduction visait à limiter les coûts et l’impact environnemental. Malgré ces ajustements, les pancartes restent un outil essentiel pour assurer une forte présence sur le terrain.
Un support propice à l’innovation
Certains partis misent sur l’originalité pour se démarquer. En 2015, l’aile québécoise du Parti libéral du Canada a surpris avec une pancarte rouge et noire, une rupture marquée avec les codes visuels habituels. Deux ans plus tôt, lors de la course à la mairie de Montréal, Mélanie Joly avait aussi innové avec des affiches noir et or, un choix audacieux qui tranchait avec les couleurs traditionnelles des campagnes municipales.
Lors d’une élection partielle à Terrebonne, la Coalition Avenir Québec a innové avec une approche visuelle audacieuse. En plus des pancartes traditionnelles, le parti a fait réaliser des affiches montrant le candidat de dos, avec un grand code QR imprimé sur son veston. Ce choix stratégique visait à susciter la curiosité des électeurs et à les inciter à scanner le code pour découvrir les engagements du candidat. En combinant affichage physique et interaction numérique, la CAQ a démontré que les pancartes pouvaient encore évoluer pour capter l’attention dans un paysage médiatique saturé.
Conception et stratégie des pancartes électorales
Les pancartes électorales ne sont qu’un élément parmi les nombreux outils de communication utilisés durant une campagne. Aux côtés des autobus de campagne, des feuillets, des publicités et des actions sur le terrain, elles contribuent à bâtir la notoriété d’un candidat. Toutefois, leur conception ne laisse rien au hasard. Chaque détail, de la photo au choix des couleurs, est pensé stratégiquement pour capter l’attention et transmettre un message clair dans un paysage médiatique saturé.
La photo du candidat
Le choix de la photo est stratégique. Une prise en studio ou en extérieur, une pose directe ou naturelle : chaque détail compte. L’éclairage, l’angle et l’arrière-plan influencent aussi la perception du candidat. Une image bien pensée peut inspirer confiance et renforcer la crédibilité.
Le nom du candidat
Faut-il prioriser le prénom ou le nom ? Le nom de famille est souvent mis en avant, car il apparaît sur le bulletin de vote. Un prénom bien connu ou distinctif peut toutefois aider à humaniser l’image du candidat. L’équilibre entre reconnaissance et mémorabilité est essentiel pour maximiser l’impact.
Les couleurs et la typographie
Les couleurs reflètent l’identité visuelle du parti. La typographie, sobre ou manuscrite, influence la perception du message. Des teintes vives attirent l’œil, tandis que des tons plus neutres évoquent le sérieux. Le choix des polices joue aussi un rôle : une typographie moderne renforce l’innovation, alors qu’un style classique inspire la stabilité.
L’orientation et le format des pancartes électorales
Horizontale ou verticale, la disposition doit s’adapter aux lieux d’affichage et au message à transmettre. Une pancarte verticale s’intègre mieux aux poteaux et lampadaires, tandis qu’une version horizontale capte l’attention en bord de route. Le format influence aussi la lisibilité : un message trop dense risque d’être ignoré.
Une seconde vie pour les pancartes électorales
Recyclage et réutilisation des pancartes électorales
Le coroplast, matériau principal des pancartes, se recycle facilement. Certains partis, comme le Parti vert, conservent leurs pancartes pour les réutiliser lors des élections suivantes. Toutefois, cette pratique reste limitée, car les slogans, les visuels et parfois même les couleurs changent d’un scrutin à l’autre. De plus, les pancartes exposées aux intempéries peuvent se détériorer, réduisant ainsi leur potentiel de réutilisation.
Dons aux communautés
Des écoles, des garderies et des groupes communautaires les utilisent pour des projets artistiques ou pratiques. Leur solidité en fait un excellent matériau pour le bricolage, la fabrication de panneaux d’affichage ou même des activités éducatives. Certaines organisations les transforment en supports réutilisables, leur offrant ainsi une seconde vie après les élections.
Un coup de cœur pour l’originalité
Cette année, j’ai particulièrement remarqué les choix graphiques audacieux du Bloc Québécois. Qu’on les aime ou non, ils prouvent que l’innovation a sa place en stratégie électorale. Miser sur un design distinctif capte l’attention et marque les esprits, surtout dans un paysage visuel saturé. Ce choix n’est pas partisan, mais simplement une reconnaissance d’une approche qui sort de l’ordinaire.

Conclusion : Les pancartes électorales entre tradition et modernité
Depuis plus de deux siècles, les pancartes électorales façonnent le paysage des campagnes politiques. Elles restent un outil simple, accessible et efficace pour capter l’attention des électeurs, malgré l’essor du numérique. Cependant, leur pertinence repose sur leur capacité à évoluer.
L’avenir des pancartes passera sans doute par des innovations graphiques, des matériaux plus durables et une intégration accrue avec les outils numériques. Leur rôle devra s’adapter aux nouvelles attentes des électeurs et aux préoccupations environnementales croissantes. Verrons-nous un jour des pancartes entièrement numériques ou interactives ? L’équilibre entre tradition et modernité façonnera sans doute les campagnes de demain.
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